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La dure vie Auchan. Au Havre, la CGT accuse la direction de discrimination.




La dure vie Auchan. Au Havre, la CGT accuse la direction de discrimination.
Elles disent travailler «la peur au ventre». Embauchée il y a vingt-deux ans au rayon boucherie, Catherine Bataille se considère «en sursis». Tous les jours, dit-elle, «je me demande ce qu'ils vont me trouver cette fois-ci». Odette Millet, caissière pendant vingt-cinq ans, lance: «Mon chef vient de me refuser le vaccin contre la grippe (1) en me disant: "Toi, tu peux crever!» Toutes deux sont déléguées CGT chez Auchan au Havre. Les deux dernières: ce syndicat, majoritaire il y a quatre ans, est exsangue. A tel point que l'union locale CGT du Havre dénonce «une chasse aux sorcières» et a porté plainte pour discrimination syndicale avec constitution de partie civile, ce qui a entraîné la mise en examen de la société, de son directeur et d'un responsable du secteur «caisses».
Tout aurait commencé fin 1994, avec l'arrivée de la nouvelle direction. Celle-ci a d'abord affiché une volonté de dialogue: «Le directeur nous a demandé de l'appeler par son prénom», raconte Odette Millet. ça s'est gâté peu après. La grève, lancée par le syndicat, en avril 1995 contre la mise à pied d'une employée aurait entraîné des menaces de sanctions et des incitations à la démission. Laure, depuis vingt-trois ans à Auchan, élue au comité d'entreprise, rapporte les propos de son chef (témoignage versé au dossier): «Je ne veux pas de déléguée CGT dans mon secteur. Vous avez fait grève. Je ferai tout pour vous casser.» Un paquet de lettres arrive aussitôt à l'UL CGT: les syndiqués résilient leurs adhésions. Ils étaient trente, ils ne seront bientôt plus que quatre. Enfin, quatre élus démissionnent de leur mandat. «Tout le monde a eu peur pour son boulot», commente la CGT.
Après enquête, l'Inspection du travail conclut, en avril 1996, à «une discrimination syndicale certaine envers le syndicat CGT». Elle constate que «des sanctions disciplinaires ont été infligées de manière illégale dans le cadre de l'exercice du mandat», que certaines «ont été prises suite à une surveillance vidéo alors que ni les représentants du personnel ni les salariés n'ont été informés d'une telle pratique». Elle relève aussi l'attitude et les propos «discriminatoires à l'encontre du syndicat CGT de la part de certains membres de l'encadrement». Par ailleurs, des vagues de licenciements et de démissions secouent l'hypermarché (620 salariés). 136 départs sont recensés par la CGT entre décembre 1994 et septembre 1996. Les salariés contestent les motifs invoqués par la direction («vols, fraudes, inaptitudes, détention d'armes, drogue»). «On accuse tout à coup de vol ou d'incompétence des personnes qui travaillent là depuis dix ou vingt ans. C'est pour les remplacer par des jeunes en CDD», dit Ghislaine Lebourgeois, employée au restaurant. Elle a été mise à la porte en avril 1996, à 54 ans, accusée d'avoir placardé dans la galerie marchande une lettre anonyme dénigrant la direction. Aux prud'hommes, analyses graphologiques à l'appui, elle prouve son innocence. Auchan a été condamné à lui verser 300 000 F de dommages et intérêts et 20 000 F pour préjudice moral mais a fait appel. Entre-temps, cette déléguée CGT a créé l'Association du personnel licencié des hypermarchés (APLH 76). «Sur les 36 dossiers que nous avons soutenus devant le conseil des prud'hommes, Auchan en a gagné 6, fait appel pour 11, et 4 salariés ont fait appel», souligne-t-elle, évaluant à près de 3 millions de francs les indemnités dues par l'hypermarché.
Le syndicat CFTC récemment créé, majoritaire depuis les élections de mars 1997, donne une version différente des faits: «La CGT se sent persécutée parce qu'elle perd des voix, commente Isabelle Lucas, encartée CFTC. Alors elle devient agressive. Quand ce syndicat était le patron, tout allait à vau-l'eau. Aujourd'hui, on a une paix royale.» Le directeur, Thierry Palluat de Besset, qui sera entendu par le juge d'instruction le 15 décembre, se dit «serein». «Je n'ai jamais sanctionné personne pour son appartenance syndicale et je n'ai pas de haine à l'encontre de la CGT.» En attendant, les licenciements continuent. Le 13 novembre 1998, une caissière était convoquée pour un prochain licenciement: elle aurait rangé dans le même sachet des produits d'entretien avec un dessert.
(1) Une vaccination gratuite est proposée par l'entreprise à tous les salariés.
Elles disent travailler «la peur au ventre». Embauchée il y a vingt-deux ans au rayon boucherie, Catherine Bataille se considère «en sursis». Tous les jours, dit-elle, «je me demande ce qu'ils vont me trouver cette fois-ci». Odette Millet, caissière pendant vingt-cinq ans, lance: «Mon chef vient de me refuser le vaccin contre la grippe (1) en me disant: "Toi, tu peux crever!» Toutes deux sont déléguées CGT chez Auchan au Havre. Les deux dernières: ce syndicat, majoritaire il y a quatre ans, est exsangue. A tel point que l'union locale CGT du Havre dénonce «une chasse aux sorcières» et a porté plainte pour discrimination syndicale avec constitution de partie civile, ce qui a entraîné la mise en examen de la société, de son directeur et d'un responsable du secteur «caisses».
Tout aurait commencé fin 1994, avec l'arrivée de la nouvelle direction. Celle-ci a d'abord affiché une volonté de dialogue: «Le directeur nous a demandé de l'appeler par son prénom», raconte Odette Millet. ça s'est gâté peu après. La grève, lancée par le syndicat, en avril 1995 contre la mise à pied d'une employée aurait entraîné des menaces de sanctions et des incitations à la démission. Laure, depuis vingt-trois ans à Auchan, élue au comité d'entreprise, rapporte les propos de son chef (témoignage versé au dossier): «Je ne veux pas de déléguée CGT dans mon secteur. Vous avez fait grève. Je ferai tout pour vous casser.» Un paquet de lettres arrive aussitôt à l'UL CGT: les syndiqués résilient leurs adhésions. Ils étaient trente, ils ne seront bientôt plus que quatre. Enfin, quatre élus démissionnent de leur mandat. «Tout le monde a eu peur pour son boulot», commente la CGT.
Après enquête, l'Inspection du travail conclut, en avril 1996, à «une discrimination syndicale certaine envers le syndicat CGT». Elle constate que «des sanctions disciplinaires ont été infligées de manière illégale dans le cadre de l'exercice du mandat», que certaines «ont été prises suite à une surveillance vidéo alors que ni les représentants du personnel ni les salariés n'ont été informés d'une telle pratique». Elle relève aussi l'attitude et les propos «discriminatoires à l'encontre du syndicat CGT de la part de certains membres de l'encadrement». Par ailleurs, des vagues de licenciements et de démissions secouent l'hypermarché (620 salariés). 136 départs sont recensés par la CGT entre décembre 1994 et septembre 1996. Les salariés contestent les motifs invoqués par la direction («vols, fraudes, inaptitudes, détention d'armes, drogue»). «On accuse tout à coup de vol ou d'incompétence des personnes qui travaillent là depuis dix ou vingt ans. C'est pour les remplacer par des jeunes en CDD», dit Ghislaine Lebourgeois, employée au restaurant. Elle a été mise à la porte en avril 1996, à 54 ans, accusée d'avoir placardé dans la galerie marchande une lettre anonyme dénigrant la direction. Aux prud'hommes, analyses graphologiques à l'appui, elle prouve son innocence. Auchan a été condamné à lui verser 300 000 F de dommages et intérêts et 20 000 F pour préjudice moral mais a fait appel. Entre-temps, cette déléguée CGT a créé l'Association du personnel licencié des hypermarchés (APLH 76). «Sur les 36 dossiers que nous avons soutenus devant le conseil des prud'hommes, Auchan en a gagné 6, fait appel pour 11, et 4 salariés ont fait appel», souligne-t-elle, évaluant à près de 3 millions de francs les indemnités dues par l'hypermarché.
Le syndicat CFTC récemment créé, majoritaire depuis les élections de mars 1997, donne une version différente des faits: «La CGT se sent persécutée parce qu'elle perd des voix, commente Isabelle Lucas, encartée CFTC. Alors elle devient agressive. Quand ce syndicat était le patron, tout allait à vau-l'eau. Aujourd'hui, on a une paix royale.» Le directeur, Thierry Palluat de Besset, qui sera entendu par le juge d'instruction le 15 décembre, se dit «serein». «Je n'ai jamais sanctionné personne pour son appartenance syndicale et je n'ai pas de haine à l'encontre de la CGT.» En attendant, les licenciements continuent. Le 13 novembre 1998, une caissière était convoquée pour un prochain licenciement: elle aurait rangé dans le même sachet des produits d'entretien avec un dessert.
(1) Une vaccination gratuite est proposée par l'entreprise à tous les salariés.
Ecrit par: zorro, Le: 23/02/11