Ci-joint un compte-rendu de l'audience qui a eu lieu hier devant le tribunal de police d'Evry. Et qui a duré plus de sept heures!
13 établissements à enseigne CARREFOUR étaient concernés:
- CC EVRY 2 (91)
- UZES (30)
- PORT DE BOUC (13)
- VILLABE (91)
- ETAMPES (91)
- NÎMES, avenue Pierre Mendes-France (30)
- NÎMES, chemin bas (30)
- BEAUCAIRE, route de Nîmes (30)
- AIX-LES-MILLES, CC La Pioline (13)
- NICE (06)
- GIVORS (69)
- CHAMPS-SUR-MARNE (77)
- MONTEREAU (77)
CARREFOUR a tout d'abord invoqué des irrégularités de procédure qui, selon eux, doivent entraîner la nullité de la procédure mais ces demandes ont peu de chances d'être retenues par le juge.
La présidente du tribunal a souligné le fait qu'il existe une politique générale des salaires unique, élaborée par MASSET au niveau national, puis déclinée au sein des établissements CARREFOUR. Il n'y a donc pas de doute sur la responsabilité.
Le dossier Evry 2 a été plaidé en premier de manière détaillée, les spécificités de chaque dossier ont ensuite été évoquées. Pour chacun, les inspecteurs du travail ont expliqué comment ils ont effectué leurs constatations et dressé les PV.
Avec les derniers arrêts de la Cour de cassation, la règle de calcul du SMIC est plus que claire et les dénégations de Carrefour ne devraient pas être retenues par le tribunal: seuls les éléments de salaire qui sont la contrepartie directe du travail peuvent être pris en compte pour déterminer si le SMIC est atteint. Si, pendant la pause, les salariés peuvent librement vaquer à leurs occupations personnelles, il ne s'agit pas de temps de travail effectif: la rémunération du temps de pause ne peut donc être pris en compte dans l'assiette du SMIC.
La question du débadgage est donc très importante pour exclure le temps de pause du temps de travail effectif. C'est pourquoi pour sa défense, CARREFOUR a principalement attaqué la façon dont les constats ont été faits par l'inspection du travail: selon eux, les inspecteurs n'ont pas pu vérifier de visu que chaque salarié prenait effectivement sa pause. Les PV ne seraient pas assez précis, ils comporteraient des erreurs et donc ne permettraient pas de les condamner.
L'essentiel des débats, pour chaque dossier, a donc tourné autour de ce point: est-ce que les constats généraux dressés à partir de tableaux par l'inspection du travail suffisent ou est-ce qu'il faut, salarié par salarié, calculer la durée effective de travail de chacun (ce qui nécessite d'avoir tous les bulletins de paie, les plannings, etc.) pour démontrer que la rémunération a bien été, dans chaque cas, inférieure au SMIC?
L'avocate de la Fédé est venu au secours de l'inspection du travail (certains inspecteurs étaient très déstabilisés par les avocats de Carrefour) en rappelant très fermement que les PV qui sont dressés par l'inspection font foi jusqu'à preuve du contraire. Si Carrefour conteste les constats qui y sont fait, ils ont, en tant qu'employeur, tous les éléments en leur possession pour démontrer que le SMIC a bien été atteint pour tel ou tel salarié.
La fédération est partie civile dans les 13 dossiers. Carrefour a soulevé l'irrecevabilité de constitution de partie civile des autres organisations syndicales (mandats non conformes aux statuts des organisations syndicales) mais pas de la notre.
En tant que partie civile, nous avons demandé 50.000 euros de dommages et intérêts (la CFDT ademandé 1.500 euros par infraction constatée, l'UD FO de l'Essonne 15.000 euros, la CFTC 5.000 euros, la FGTA-FO 10.000 euros). L'UL CGT d'Evry s'était constituée partie civile mais personne n'a comparu.
Le Procureur a requis des peines différentes dans chaque dossier, en fonction du moment où les PV ont été dressés: plus Carrefour résistait pour imposer sa version, plus la peine augmente. En gros, les peines demandées vont entre 1.500 euros d'amende et 2.500 euros d'amende par salarié (je n'ai pas entendu pour Evry). Elle est restée bien en dessous du maximum: elle pouvait aller jusqu'à 7.500 euros par salarié!
Il est possible que CARREFOUR soit relaxé dans deux dossiers parce que le Procureur, même si elle s'en défend, n'a pas fait comparaître le bon employeur.
Cela ne change rien sur le fond, puisque CARREFOUR est gérant de ces magasins. Mais sur le plan pénal, cela pose de gros problèmes.
- Pour le magasin d'UZES, ce n'est pas la SAS CARREFOUR HYPERMARCHES l'employeur mais la SNC CONTINENT. C'est donc cette personne morale qui aurait dû comparaitre.
- Idem pour le magasin de MONTEREAU: c'est la société CONTINENT 2001 qui aurait dû être citée à comparaitre.
Le délibéré est prévu le 14 juin 2011.
CARREFOUR a bien sûr expliqué qu'il était un employeur formidable. Entre autres, il a été affirmé que "chaque salarié qui le souhaite a la possibilité de passer à 35 heures. Il n'existe pas de temps partiel subi, il s'agit de temps partiel choisi chez CARREFOUR". Ne faut-il pas les prendre au mot?
Ecrit par: zorro, Le: 22/04/11